Par Anne Devailly. "Un jardin à la française où pousent des herbes folles".

https://www.artistes-occitanie.fr/2020/03/12/odile-cariteau-un-jardin-a-la-francaise-ou-poussent-des-herbes-folles/

 

Par Pascale Thibaut. 

Conservateur du patrimoine

Administrateur de l'abbaye de Beaulieu en Rouergue.   2013
 

Odile Cariteau, Déambulations

Cette oeuvre à la fois sereine et bouillonnante, largement marquée par les philosophies extrême-orientales dans leurs modes d'expression plastique et leur splendide intériorité, nous place au-delà de notre temps quotidien, brusque et violent, éloigné d'une spiritualité pourtant recherchée. C'est pourquoi ce travail se trouve si intimement en situation dans ce lieu habité qu'est aujourd'hui encore l'abbaye cistercienne de Beaulieu-en-Rouergue.

Ce n'est pas par hasard que l'artiste a proposé ce titre de Déambulations. Il annonce toute la richesse d'un cheminement commencé dans les sables du désert, marqué par le chaos des roches, emporté par le vertigineux des cimes blanches. Ce parcours ponctué de jaillissements fiévreux, de phénomènes mi-animaux mi-végétaux, est tout à la fois une respiration intérieure et un souffle grandiose ponctué de signes et de marques. Une calligraphie dansante joue sur la transparente matière, changeante comme la buée, dessine un monde, impalpable et présent par la force du tracé noir sur le blanc. L'architecture des lieux, expression humaine d'un appel vers le plus grand des dépassements de soi, offre la symbolique de ses hautes voûtes aux grandes toiles, dont les titanesques "Combats primordiaux": début ou fin des temps qu'importe, les turbulences qu'elles montrent renvoient tout aussi bien aux origines qu'aux Apocalypses à venir. Tels de nouveaux reliquaires, comme autant de petits paysages clos, à l'instar de l'hortus conclusus médiéval, espace fermé de méditation et d'élévation.

Aux démiurges dragons, aux soubresauts telluriques, répondent apaisés les voiles tendus dans le cellier. Entre les robustes piles, il convient alors de se laisser prendre dans ce cheminement de signes, rite initiatique, sans religion ni contraintes, juste l'instant privilégié d'une déambulation intérieure.

________________________________________ 

 

Par Jean-Pierre Colle

Administrateur honoraire du Centre des Monuments Nationaux

2013

 

D'emblée Odile Cariteau annonce la couleur: l'inspirent les grands espaces, les paysages rugueux et fiers que seul le regard conquiert. Méditation nécessaire, voire obligée, pour traduire en signes économes et fertiles, au-delà du ressenti, un travail de réflexion quasi religieux au sens étymologique du terme (religare:qui lie) et c'est, probablement, dans ce rapport qu'il faut aborder la démarche de l'artiste en quête, de son propre aveu, d'une spiritualité qui ne s'attache ni ne convoque aucun dieu, ni ne se laisse enfermer dans aucun rituel, hormis le lissé d'une toile composée à plat dans l'attente plus tardive du chevalet ou de la cimaise. (...)

C'est précisément cette tentation panthéiste que nous retrouvons chez Odile Cariteau, énigmatique dans un temps qui épaissit tout comme il dissout la mémoire où seuls s'imposent les éléments propres à une symbolique élémentaire non assujettie à un langage mais davantage issus d'un principe universel et, en l'espèce, transversal. Il semble bien que ce soit cette démarche qui imprègne tant la pensée que le projet de l'artiste quand s'exprime ce qu'on ne dit pas et se dit ce que traduisent seules les formes arrachées au tréfonds pour s'ordonner, jaillissantes et néanmoins contraintes dans leur aimable sévérité.

Ainsi, après les avoir contemplés, l'artiste transforme et réinterprète ces abîmes aux contours glacés, ces immensités aux équilibres précaires capables d'engendrer par touches successives, l'une recouvrant l'autre sans toutefois l'abolir, une égale dynamique. Il est en effet difficile de discerner ici le révélé du caché; or c'est précisément ce jeu qui rend perceptible l'extrême tension d'un trait à la limite de la rupture, de la tache à la limite du débordement. toute une composition qui requiert de plus en plus de plages de silence nécessairement vouées aux grands formats, lesquels se prêtent à cette exigence exploratrice de mondes vierges qui échappent parfois à l'abstraction, rarement à une représentation mentale capable de donner matière et consistance à des sensations antérieures.

La peinture d'Odile Cariteau offre des déclinaisons de noirs et gris : autant de valeurs qui renvoient, sans qu'il y paraisse, à la gamme chromatique. Certes, il ne s'agit pas d'absorber une couleur hors cadre quand tout, sans qu'il y paraisse, est couleur selon le ton et selon la nuance pour mettre à la portée du regard des univers palpables, la part du réel n'étant que le résidu du rêve, le rêve qu'un accomplissement chaotique du réel, celui-ci contenu dans la récurrence d'images vagabondes soumises à une palette en demi-deuil parée, ô combien, de rutilances.

__________________________________________________  

 

Par Geneviève André-Acquier

Catalogue de l'exposition "Un souffle venu d'Asie". 2011

Abbaye de Beaulieu en Rouergue

 

La peinture selon Odile Cariteau n'est pas une discipline que l'on apprend, mais  un espace que l'on explore, que l'on interroge, voire que l'on agit.
Aussi ne s'est-elle reconnue dans son travail qu'au moment où elle a découvert, derrière le voile de la couleur qui couvrait ses tableaux, les capacités expressives du noir sur la toile blanche, quand est donnée au pinceau pleine liberté de s'exprimer. Depuis, attentive à tout ce que la fougue du geste fait advenir sur la surface, elle témoigne par sa peinture de la force vitale qui gît au coeur de l'humain et anime toute la nature, mais c'est l'apaisement profond qui est recherché.

Ainsi s'affirme un parcours artistique singulier qui, ayant accueilli comme un encouragement la découverte de l'art et des philosophies asiatiques, se veut aussi cheminement vers plus de connaissance et de sagesse, ce qu'ont confirmé ses séjours dans l'espace artistique et religieux japonais.

Peindre, travailler avec l'eau, mais aussi le bois, le feu, la terre, par fidélité surtout aux questions entrevues dans l'enfance devant la beauté fière et mystérieuse du désert...

                                       

 ________________________________________

 

Par Patrick Rivière

Catalogue de l'exposition "Ile noire"

Solstice d'hiver 2005

 

L'oeuvre d'Odile CARITEAU offre décidément des particularités bien singulières!

Assurément - bien qu' involontairement ou plus exactement inconsciemment,
objectera l'artiste – Odile CARITEAU s'oriente vers une quête chamanique, tout au long de son oeuvre, déjà considérable, bien que patiemment élaborée. Elle nous habitue désormais sur le plan pictural à des turgescences, jaillissements de laves efflorescentes, des incandescences, « vulcanescences » - serions-nous tentés d'exprimer ce néologisme qui sied ici – messagères d'un Univers multidimensionnel. Que dire des nuances de la Lumière s'extrayant ainsi des ténèbres, révélant une sensibilité extrême?

Passée des couleurs automnales chatoyantes subtilement transitoires –évoquant irrésistiblement la texture du bois – au contraste du noir et du blanc généreusement mêlés, aux accents du Tao harmonisant le Yin et le Yang dans un changement permanent, l'artiste nous mène progressivement à une création, « re-création »
chaotique inhérente au chamanisme. Déjà, ses noirs « coffrets magiques » au sein desquels les blanches coquilles d'oeufs brisés symbolisaient la re-naissance constante du chaman, rompant ainsi avec l'ignorance et marquant l'éclosion de l'être nouveau ; la source d'inspiration taoïste avait sensiblement cédé le pas à
celle du chamanisme.

Si l'on sentait dans ses oeuvres antérieures l'influence extrême-orientale des lavis et des calligraphies chinoises taoïstes tourmentées, devenues pour la circonstance une mystérieuse graphie céleste angélique à la manière d'une « plume d'ange », l'artiste nous engage ici vers un dépouillement - démembrement chamanique – où la valse des Eléments bouleverse l'ordre des choses, afin de mieux cerner une toute autre réalité : celle de l'intériorité, voire de l'Essence...

D'autres bois, incarnant sceptres et Totems, littéralement aspirés vers le haut, dénotent une recherche assidue de l'Axis-Mundi, axe privilégié unissant le Ciel à la Terre, déterminant le « centre sacré » où l'Omphalos a remplacé la simple
pierre – refuge et rassurante – qui se voit ainsi transcendée.
L'espace sacré de la Nature a ainsi succédé au profane. Déjà les galets blancs des « boîtes magiques » laissent augurer chez l'artiste l'obtention du caillou blanc,
dans l'Apocalypse de Saint Jean, qui nourrit le même dessein, celui de l'admission
dans le monde spirituel : « /... / au vainqueur, je donnerai de la manne cachée ; je lui donnerai aussi un caillou blanc, un caillou portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit ». (Apocal. II, 17)

Assurément, la « tête noire baphométique » exposée n'est pas celle du poète ! La « tête de maure » supplante celle d'Orphée. Abandonnée sur le rivage de « l'île noire ", c'est positivement le caput mortuum providentiel de l'alchimie pérenne, issu de la dépouille du mythique dragon blanchi au feu de fusion ; phase que Marguerite
Yourcenar qualifia abusivement d' « oeuvre au noir »!

Curieuse alchimie, en vérité, qui jalonne la démarche de l'artiste au cours de son individuation-initiation, répondant ainsi à l'appel des puissances invisibles d'un Ailleurs, cependant à bien des égards étrangement si transparent... dans l'oeuvre d'Odile CARITEAU.

    ______________________________________

 

Par Paul Duchein

Catalogue de l'exposition "Au-delà du noir et du blanc"

Juin 2005

 

Odile Cariteau, après une période durant laquelle les tons de rouille et de feuille morte dominaient, a renoncé à cette palette aux chaudes couleurs pour évoquer des no man's land, sorte de paysages primordiaux ; pour cela elle s'est réfugiée dans les noirs. S'y est -elle réfugiée vraiment, ou bien, au contraire, y puise-t-elle les
ressources nécessaires pour une expression plus vigoureuse et plus volontariste? J'opterai pour cette hypothèse, conforté par cette phrase qu'elle a calligraphiée sur une composition plus ancienne « nous venons de toutes les rives de la terre ». Car le noir pour Odile Cariteau est bien un stimulant de l'imaginaire, générateur d'exaltants et imprévisibles corps à corps avec le pigment.

Le noir fuse de toutes parts dans les dernières toiles qu'elle présente ici. Un noir transparent par endroits envahit la surface, non pas marées d'hydrocarbures, mais scorie impalpable qu'une lave encore chaude ne serait pas parvenue à solidifier, magma d'un monde en devenir, poussières, coulures de suie propulsées en un tourbillon qui va mourir aux confins d'une plage blanche à laquelle un semblant
de « bleu « i »té apporte l'apaisement de la vacuité.

Devant ces toiles dont la torture tellurique des noirs évoque quelque géhenne, l'artiste parle des rochers de Cadaquès qui se prennent à ressembler à ces compositions violentes, mais pas nocturnes ni mortifères, plus bouillonnantes et dynamiques qu'inquiétantes.

                                         

________________________________________

Petits formats ou détails. 2018

Version imprimable | Plan du site
© Odile CARITEAU

Site créé avec IONOS MyWebsite.